Bar et mains baladeuse, comment ne pas se battre ? [Tinkerbell & Astrée]

Les jours passent plus lentement à Fantasia, les secondes s’égrènent comme des notes au piano ; parfois c’est des ongles sur un tableau. Rhiannon a un peu de mal à s’habituer, elle est si grande tout à coup, elle se sent un peu pataude, un peu gauche. La grâce lui manque ; quand elle marche, elle a l’impression de s’enfoncer dans le sol. Ce qui change, c’est le regard des gens. Ca, elle ne s’y attendait pas. L’envie, le désir qu’elle éveille, tout ça lui est étranger. La fée passe ses premiers jours à courir, tenter de gagner le contrôle de son propre corps, savoir où sont ses limites. Elle a bien compris qu’elle ne peut plus voler ; ça lui fait un mal de chien mais elle se dit que si c’est bien compensé, elle pourra peut-être s’habituer. De temps en temps elle pense à Terence, à son air ridicule lorsqu’il a sauté du lit dans l’espoir de s’envoler. Elle évite de penser à tout ce qui s’est dit ensuite, ça fait encore un peu trop mal.

C’est Anastasia qui lui souffle l’idée, la première fois. La russe, habituée aux banquets, à l’alcool qui coule à flots malgré son jeune âge. Tink n’a jamais connu ça ; elle connaît les différentes potions et poisons, les calices de gouttes de rosée, l’eau de la lagune aux sirènes, mais rien qui ne lui fasse perdre la tête comme ça. Elle se souviendra toujours de la première fois qu’elle a vidé son verre, de la brûlure horrible dans sa gorge. Puis au fur et à mesure, de la brûlure un peu plus agréable, toujours plus bienvenue dans son gosier. Qui eut cru qu’il suffisait d’ingérer un liquide pour annihiler toutes ses pensées en trop ? Le seul hic, c’est que même quand on arrive à les gerber, elles reviennent à la charge, plus fortes, plus insistantes. Alors Rhi part à la recherche de ses limites, depuis. A la conquête d’elle-même, fermement décidée à se dompter, à se connaître. Elle, autant que l’enveloppe charnelle qui lui servait désormais d’abri.

Ca fait déjà deux ou trois fois qu’elle vient dans ce bar, à chaque fois elle teste un alcool différent, part à la découverte de tous les goûts. C’est la première fois qu’elle vient seule, et elle comprend rapidement qu’elle ne le restera pas longtemps. « Qu’est-ce qu’une jolie pouliche comme toi fait seule, dis-moi ? » Haussant les sourcils, Rhiannon décide de ne pas répondre, persuadée qu’il a dû se tromper de personne. Qui parlerait comme ça à une inconnue ? Mais ils ne s’en vont pas, et elle commence à réaliser le brutal manque de respect de la situation, tandis que les gêneurs continuent de déverser leurs flots de paroles. « Je te conseille de garder tes mains bien dans tes poches car la prochaine fois je ne ferais pas que tester la flexibilité de ton bras. Ce serait bien que vous débarrassez le plancher histoire que l’on soit tranquille » Rhi tourne la tête, et sourit légèrement en voyant l’expression déterminée de la jeune femme qui vient d’intervenir, qui a l’air bien plus au fait de ces situations qu’elle. L’homme recule un peu, passablement énervée. La fée va pour complimenter la jeune femme sur son geste, lorsqu’elle entend : « Ca tombe bien, je les aime encore plus en colère. C’est adorable quand vous résistez. » Rhiannon écarquille les yeux, éberluée. N’a-t-il virtuellement aucun neurone fonctionnel, pour ne pas comprendre que ce geste était un refus ? Pourquoi insister ?

Avant que l’une ou l’autre n’ait le temps de répliquer, le premier homme fond sur la jeune femme fraîchement arrivée, sous les yeux moqueurs de son ami. Alors que le visage du malotru est dangereusement proche de celui de la blonde, une flamme s’allume dans les yeux de la fée. Il ose attaquer ? De la même façon qu’elle a empêché Wendy de fondre sur Peter, des années-lumière auparavant, elle agrippe la tignasse mal peignée de l’homme, et  fracasse son nez contre le comptoir. A Neverland, on a aucune tolérance pour les agressions de ce genre. « Combien de fois il faut dire non, avant que le message ne passe ? » Un liquide écarlate s’échappe des narines de l’homme, qui tombe en arrière. Son acolyte, figé, darde un regard noir sur les deux demoiselles. Tinkerbell a toujours été célèbre pour ses colères ; la leçon ne fait que commencer. « Battez en retraite, ou je vous coupe les mains pour les jeter au crocodile le plus proche. » Elle est furieuse, la fée. Le crocodile, son crocodile, est resté à Neverland, mais il doit certainement y en avoir un ici également. Autrement, comment est-ce que la justice pourrait être portée ? Peter a établi la loi, et les hommes qui font de mauvaises choses, les pirates, doivent payer le prix fort. Les choses ne doivent pas être si différentes de Neverland à Fantasia Hill, si ?

codage réalisé par Wuthering

Presque immédiatement, Rhiannon se rend compte que leurs cris et le visage enflé de l’horrible mufle ont attiré toute l’attention sur elles. Un homme à la masse corporelle bien supérieure à la moyenne se rue vers le petit groupe et empoigne le bras de la fée, qui sent le feu lui monter aux joues. Une seconde de plus, et elle mordra dans ce bras. Depuis quand est-ce qu’on touche les gens sans permission ? « Vous deux, dehors » Pendant un court instant, Rhiannon sent son corps se détendre. Après tout, le geste est peut-être protecteur, dans ce monde. De toute évidence, l’immense gaillard enjoint aux rustres de filer et de les laisser tranquilles, non ? « Je vous ai dis de sortir. Ne me forcez pas à vous mettre dehors moi ». Rhiannon reste plantée là sans trop y croire. Pourquoi serait-ce à elles de sortir ? Quelle notion de justice est-ce donc ? Elle est sur le point de répliquer, absolument furieuse, mais la jeune jeune femme l’empêche d’aggraver leur cas. « Viens, on s'en va. » dit-elle en l’entraînant à sa suite, sans un mot de plus. Pas besoin d’être particulièrement perspicace pour voir que toutes deux seraient bien restées pour continuer la bagarre, mais l’injustice est trop grande. « Comment est-ce qu'on peut virer quelqu'un qui s'est fait agressée et qui n'a fait que se défendre?! C'est totalement injuste. » La fée acquiesce, encore trop secouée pour pouvoir répliquer. Elle ne comprend pas bien où elle a fait erreur, en quoi est-ce que tout ça est de leur faute, à elle et son acolyte. « Moi c'est Astrée sinon. » sourit la blonde. C’est suffisant pour que Rhi reprenne contact avec la réalité. « Rhiannon. » elle répond, un peu crispée mais amicale. Après tout, Astrée a tenté d’intervenir.

Elle n’arrive pas à passer au-dessus de ce profond sentiment de désordre ; ce n’est pas comme ça que les choses sont supposées se dérouler. Son premier verre dans un bar, une chose si profondément humaine, et elle n’est même pas capable d’en sortir sans drame. « Je ne sais pas comment les choses marchent par ici mais visiblement c’est bien différent de chez moi. On ne peut pas se défendre ? C’est du grand n’importe quoi. » elle ronchonne, blessée à l’égo. Pour qui se prennent-ils ? Ils ont de la chance que ses ailes aient disparu. Et qu’il n’y ait pas de crocodile à portée de main. Ces hommes-là lui font beaucoup trop penser aux pirates ; ils sont les seuls à pouvoir se comporter comme ça. Alors quoi, Fantasia Hill est uniquement peuplée de pirates ? Cela ne se peut. « Ça n’indique rien de bon, mais au moins, on était toutes les deux. » elle continue, en faisant un petit signe de tête à Astrée. C’est presque la première humaine à qui elle adresse la parole, ici. Ça fait un peu bizarre, elle n’a pas vraiment l’habitude d’être auprès d’autres créatures féminines, Tink. Au moins, elle n’a pas l’air d’une sirène, elle a déjà ça pour elle.

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